LES DITS DE THÉODORA
De la Vie, un conte :
« … Aujourd’hui, je vais vous raconter mon arrivée ici. C’était il y a assez longtemps maintenant, ce n’est pas important … ce qui est intéressant, c’est ce qui s’est passé ensuite.
Je me promenais alors dans les méandres de l’espace, je naviguais d’un univers à l’autre, faisant des circonvolutions entre les planètes, en effleurant une, m’éloignant d’une autre, je me suis même posée sur certaines, quelques temps, y laissant parfois des enfants, comme sur celle dont je vais vous parler … C’était juste délicieux de se mouvoir ainsi, dans cette fluidité, cette liberté. Et voilà soudain que je la vis, et dès ce moment, je sus que c’était elle, que je resterais là probablement plus longtemps qu’ailleurs … elle était pleine de promesses. Oh ! bien sûr, ce n’était pas aisé à voir, mais moi, je le savais. A ce moment-là, elle n’était qu’un amas encore informe, et je vous assure qu’avant que je puisse m’exprimer, il y aurait du boulot. Au départ, elle n’a pas voulu de moi, elle a réagi très violemment, en bougeant de toute sa masse, crachant même du feu. Puis, progressivement, elles s’est habituée, et j’ai pu m’installer.
Ensemble, nous avons créé mille et une chose, nous nous sommes parfois trompées et avons pu recommencé, aidées de ses cousines spatiales. Puis vint le jour où nous avons enfin trouvé l’équilibre de tout ce qui allait pouvoir co-exister, tous ces règnes qui expriment ma nature et porté par elle, quelle merveille. Au fil du temps, nos enfants ont grandis, se sont développés, ont muris, ont mutés, … Le petit dernier, en particulier fait l’objet de toute notre attention ; il s’est nommé lui-même « être humain ». C’est un bel hommage à sa double nature, et nous en sommes fières. Il nous a aussi donné des noms d’ailleurs ; elle, il l’a appelée « Terre », et moi, il m’a appelée « Nature ». Au début, ils nous ont même appelées « mère » … oups, ça me fait quelque chose d’exprimer ça ! Ils ont évolués, et comme toute création, ils sont passés d’enfants à adolescents. C’est là qu’ils en sont aujourd’hui, en pleine « crise ». Avec nos yeux tendre, Terre et moi, les regardons grandir, s’autonomiser … mais nous sommes aussi quelque peu inquiètes. Car voyez-vous, au début ils étaient en contact avec leur profondeur – là où le secret était gardé, mais au fil du temps, certains ont commencé à chercher à l’extérieur ce qu’ils ne contactaient plus en eux, puis ont cherché à le prendre à d’autres en qui ils le percevaient et les rendre esclaves de leur manque, puis ils s’en sont pris à nous, leurs mères. Ils ont même oublié qu’ils nous appelaient « mère » pour nous considérer comme une chose et nous sommes devenues « la terre », « la nature », qu’il s’agissait de domestiquer … Ben voyons ! Au lieu de chercher à se maîtriser eux-mêmes !!!
Vous imaginez bien que, comme toutes les mères, nous regardons ces petits un peu perdus avec beaucoup de tendresse, mais aussi de fermeté. Jusqu’où iront-ils ? Nous leur donnons des leçons parfois, un volcan par-ci, un ouragan par-là, mais comprennent-ils vraiment ? Vont-ils grandir, se diriger vers une noble maturité, puis une vénérable sagesse ? Où vont-ils continuer dans leur errance ? C’est que … vu où ils en sont, cela fait désormais partie des possibles.
Oui, parce qu’en fait, ils font une erreur ; ce n’est pas moi « la nature », ce sont eux … Moi je suis la Vie, et je me pose où je veux, éternellement. »